HISTOIRE D'UN GOUVERNAIL


Il y a quelques mois j'ai finalisé le changement du gouvernail de mon trismus 37'. Ce sujet ayant préoccupé beaucoup d'entre nous, j'ai écrit ce papier à l'intention de ceux qui souhaiteraient entreprendre le même travail, ou avoir quelques éléments de réflexion afin d'améliorer l'existant.


I - HISTORIQUE

Lors de la construction de mon bateau, faute de temps et de courage, j'ai réalisé le gouvernail dessiné sur les plans originaux. Mal m'en a pris car le résultat a été mauvais:
- Barre très dure dés que le vent montait, malgré une longueur de 1,30 m, idem au moteur;
- Gouvernail peu efficace et assez imprécis, si ce n'est totalement inefficace à petite vitesse.
Plus tard j'ai modifié le gouvernail en lui amputant environ 30% de sa surface sur le bord de fuite, et en le profilant par adjonction de plaques de mousses profilées, stratifiées sur les flancs. Le progrès a été important, mais encore insuffisant, la barre demeurant dure par vent fort ou au moteur. Il fallait envisager un tout autre système.
J'ai donc pris la décision de remplacer le concept d'origine par un gouvernail semi "suspendu", compensé, m'inspirant de réalisations faites par d'autres, Arwen en particulier, que je remercie d'avoir partagé avec moi sa documentation.
Après mure réflexion, je me suis lancé dans le dessin, les calculs, la préfabrication du gouvernail dans mon atelier, puis son implantation à bord. Un vrai chantier décidé à l'occasion d'une mise à terre nécessaire pour le premier grand arrêt technique depuis la construction.
Après les premiers essais à la mer, je constate un grand progrès:
- La barre est devenue nettement plus "légère", quelque soit la force du vent, ou la vitesse au moteur;
- Le gouvernail a gagné en précision;
- Le gain de poids est important, (-15 Kg).
Grâce à ce changement, j'ai pu aussi installer une delphinière sur le tableau arrière, ce qui:
- Assure la protection de la pelle de gouvernail;
- Facilite grandement l'embarquement à bord;
- Donne une nouvelle esthétique en allégeant l'arrière du bateau.


II - DESCRIPTION TECHNIQUE

Le gouvernail a été construit autour d'un mèche inox, (AISI 316L), de 40 mm de diamètre, par collage de feuilles de contre-plaqué, stratifiés avec des tissus et mat de verre + résine epoxy. Il est supporté par un tube de jaumière en inox, qui est scellé verticalement, à l'epoxy, à travers le tableau arrière.

III - POINTS IMPORTANTS

Mes options techniques sont le résultat du bon sens et d'une étude sérieuse. Ils ont eu pour motivation:
- "Que ça marche";
- Simplicité et faisabilité avec des moyens techniques "légers", donc pas de barre à roue, (philosophie trismussienne),
- Disponibilité des matières et matériaux, (contre-plaqué "hydro", inox AISI 316 L uniquement, Ertalon, résine epoxy);
- Un coût acceptable: seulement cinq pièces usinées par un professionnel;
- Pas d'entretien, usure nulle ou imperceptible;
- Réparabilité.

1) - Le profil, (NACA 0012), comme la forme, (projection latérale de la pelle de gouvernail), ont été soigneusement choisis et dessinés avec une compensation à 18 %, afin de:
- Réduire la dureté de barre;
- Augmenter la précision et la manœuvrabilité même à basse vitesse;
- Réduire la surface tout en corrigeant les effets de masquage de la fuite de carène, (qui n'est pas un modèle de "fluidité hydrodynamique").

2) - Des "winglets" ont été collés sur la tête et le pied de la pelle de gouvernail, afin d'empêcher la formation de turbulences d'extrémité.
Cet emprunt à l'aéronautique contribue à l'efficacité directionnelle, par augmentation de l'allongement fictif.
La hauteur du gouvernail étant faible, (en raison du tirant d'eau), l'allongement l'est aussi, et donc l'efficacité initiale aurait peu progressé, surtout à basse vitesse.

3) - L'ensemble s'articule sur des paliers en Ertalon, (matériau courant et facile à usiner, n'ayant aucune reprise d'humidité). Un palier au sommet et un au pied du tube de jaumière, plus un troisième soudé sur une jambe de force inox, (le bénitier), boulonnée au talon de quille. Ce troisième palier a permis de choisir un diamètre de mèche de 40 mm à la place des 50 mm, donnés par le calcul, dans le cas d'un gouvernail 100 % suspendu sur deux uniques paliers.
Les efforts latéraux sont majoritairement diffusés dans le tableau arrière, mais aussi renvoyés dans:
- L'arrière des flancs verticaux des bancs de cockpit, (grâce à une poutre inox soudée à la jaumière, et boulonnées à ceux-ci);
- La poutre immergée, (bénitier), qui soutient le palier inférieur de gouvernail. Cette poutre ne travaille qu'en latéral et en longitudinal.
Le poids de l'ensemble est totalement et uniquement supporté, au sommet de la jaumière, par une pièce inox usinée à la demande. Cette pièce sert aussi d'articulation et de blocage de barre.
La pelle de gouvernail débordant la longueur de coque, il a été décidé d'installer un pare-choc tubulaire, fixé au tableau, aménagé en delphinière, (option non nécessaire, mais vivement recommandée).


IV - INSTALLATION A BORD

Le bateau étant à sec, la quille à environ 40 cm du sol, et toutes les pièces préfabriquées, l'installation s'est fait en plusieurs phases:

1 - Repérage et perçage du tableau arrière, le plus difficile car le tableau est très épais et il n'y a aucun point de repère. Il faut percer et ensuite découper "à l'œil";
2- Introduction du gouvernail par l'extérieur arrière, depuis le sol, pour ajuster le trou. Compte tenu de la longueur de la mèche choisie, ça passe, mais il faut être veiller à ce que cette manœuvre soit possible.
3 - Introduction par le dessus, (depuis le cockpit), de la jaumière équipée de ses paliers;
4 - Une fois le tout bien ajusté et calé, (en vertical, latéral et longitudinal), scellement définitif à l'epoxy fortement chargé en silice, (scellement en deux opérations afin de limiter le volume de matière et les réaction exothermiques);
5 - Après durcissement complet, ponçage, stratifications d'étanchéité, à l'extérieur ET à l'intérieur;
6 - Soudure de la poutre inox de cockpit, "en position";
7 - Ajustage du bénitier, soudure du palier inférieur sur celui-ci, en position, afin de garantir un bon alignement et une rotation tout-à-fait douce;
8 - Boulonnage du bénitier au talon de quille.


V - QUELQUES CONSÉQUENCES MINEURES DU CHANTIER

L'axe de gouvernail ayant avancé, il a fallu:
- Déplacer d'autant le point d'accrochage du vérin de pilote automatique, ainsi que ses connexions électriques;
- Recouper la barre afin qu'elle ne bute pas avec le compas de route. (Ceci prouve à quel point la compensation est efficace, même avec une barre raccourcie de 0,25 m).


VI - LES DIFFICULTÉS

Bien entendu il y en a eu, mais elles ne furent pas insurmontables.
Dans mon cas c'était surtout le temps, puisque j'étais expatrié ne revenant que tous les 3 mois. Le chantier c'est donc étalé, entre les études et la mise à bord, sur........ beaucoup trop de temps! Mais une fois à 100% au travail, ET les conditions météo réunies ..... ça a été assez vite. Il restait tout de même les 3/4 du chemin à parcourir.

En fonction de vos moyens techniques, comptez, (si vous bossez à 100% 10h/jour):
- Préfabrication à 100% du gouvernail et ses ferrures: 15 jours
- Montage à bord: une semaine
- Modifications diverses: une semaine.
Si vous n'êtes pas certains de "savoir le faire", n'hésitez pas à "le faire faire". OK ça coûte, mais vous gagnerez beaucoup de temps et de qualité. Je pense en particulier aux pièces mécaniques comme:
- Paliers;
- Butée
- Bénitier


CONCLUSION

Avec un projet bien réfléchi et préparé, le succès est assuré, plusieurs Trismus modifiés de cette façon le prouvent.
Pour ceux que ça intéresse, je peux leur transmettre mes notes de calcul et quelques schémas. Voyez aussi les photos qui en disent plus.
Bon courage à tous!

Darjee